LE PROPHETE
Si j'infléchis le temps ce temps qui vous dérange Et creuse plus avant l'inlassable retour Où le démon se heurte en un furieux mélange A l'ange qu'il n'est plus et qu'il dispute au jour
Si mon robuste bec d'oiseau-prophète évide Dans la fibre du bois son parcours obstiné S'il fore sans répit en géomètre avide Ce cour de bois très dur où le chêne renaît
Si je fouille altier la nuit qui vous traverse Et nous traverse tous dans son glauque miroir Si je surprends l'insecte en dépit de l'averse Qui déferle soudain des nuées sans espoir
C'est qu'en oiseau chasseur j'explore bien des routes La route des futurs le sentier d'autrefois -: Que mon piétinement à rebours des déroutes N'en est que plus précis et prudent à la fois
Mon bec impitoyable eut raison de l'abîme Où grouillent plumes poils et sombres feulements o chasseurs accourant à la pantière ultime Où l'aujourd'hui s'envase en mortels errements
En creusant plus en vous j'ouvre un nid secourable Aux songes avortés en essaims renaissant Je tapisse de soie au plus doux de l'érable Le sens divinatoire où s'élague le sang
Enfant chéri de Mars volant dans la caverne Où Rémus Romulus furent par moi nourris Je libère l'essor de votre âme et gouverne La sève jaillissant des surgeons aguerris
De votre arbre fatal ni le fruit ni la foudre Rien ne prévaudra contre l'instinct secret
De vous blottir au creux où tout pourrait s'absoudre Et recréer la vie en son ventre sacré
Michèle PALISSES
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